D’autres politiques économiques sont possibles

Adhérer

L’ONU réunira à Paris du 30 novembre au 11 décembre 2015 tous les pays membres pour tenter d’aboutir à un accord international visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre, responsables du réchauffement du climat (c’est la COP 21). Celui-ci ne fait plus de doute et les climatologues réunis dans le GIEC craignent que le réchauffement soit beaucoup plus élevé que celui qui serait supportable autour de +2°C. Le risque est maintenant réévalué jusqu’à +5°C, voire plus encore à la fin du XXIe siècle. Alors, un emballement du climat non maîtrisable se produirait, entraînant une élévation importante du niveau des océans, noyant des terres cultivées, modifiant les types de cultures des régions et provoquant des déplacements de populations. Déjà, sur les mouvements migratoires d’environ 50 millions par an dans le monde, près de la moitié sont dus aux dégradations environnementales causées par l’avance des déserts, la déforestation, le manque d’eau et l’accaparement des terres, notamment en Afrique.

Jusqu’ici, les signataires du Protocole de Kyoto (1997), arrivé à échéance sans atteindre les objectifs fixés (depuis 1990, les émissions mondiales de gaz à effet de serre ont augmenté de moitié), n’ont pas réussi à s’entendre pour adopter un nouvel accord. Et, à quelques semaines de la prochaine conférence, les négociations sont toujours bloquées autour de trois questions cruciales.

–          Depuis l’échec de la Conférence de Copenhague (2009), la recherche d’un accord contraignant global a été abandonnée. Ne subsiste que l’idée d’obtenir des engagements pays par pays. Or, à ce jour, seuls 60 pays ont fait connaître leurs déclarations d’intention, sans qu’elles signifient un changement à la hauteur des enjeux. Ainsi, les États continuent d’accorder 500 milliards de dollars par an (dont 200 milliards pour les seuls pays de l’OCDE) de subventions à la production et à la consommation des énergies fossiles (82 % pour le pétrole, 10 % pour le gaz et 8 % pour le charbon), et cela alors que le prix du pétrole a été divisé par trois en l’espace d’un peu plus de deux ans. Or, ces énergies sont responsables de 80 % des émissions de CO2 et de 67 % des émissions de gaz à effet de serre.

–        Les gouvernements des pays capitalistes développés voudraient arracher aux pays en développement l’acceptation de contraintes environnementales que ceux-ci récusent parce qu’ils ne sont pas responsables de l’accumulation de gaz à effet de serre depuis deux siècles. Le principe de responsabilité partagée mais différenciée reste donc lettre morte.

–         Les engagements pris par les pays riches de doter le Fonds vert pour le climat de 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 n’ont pas été tenus, à peine un dixième de cette somme a t-il été promis. Le projet de taxer les transactions financières se heurte toujours à l’hostilité farouche des banquiers et autres spéculateurs et à la pusillanimité des gouvernements, quand ce n’est pas à leur complicité à l’égard des premiers ; nous en savons quelque chose en France, où notre gouvernement bloque toute avancée décisive en Europe.

En arrière-plan de ces négociations non abouties subsistent deux problèmes majeurs :

–          D’une part, les lobbies financiers exercent une pression pour que soit généralisée l’expérience des marchés de carbone à l’échelle mondiale, alors que l’échec de celui de l’Union européenne est criant. Parallèlement, les experts néolibéraux prônent la fixation d’un prix du carbone abandonné aux fluctuations erratiques des marchés. Les mêmes qui vantaient naguère la capacité des marchés à favoriser la stabilité et la meilleure utilisation possible des capitaux nous assurent aujourd’hui que l’échange libre de droits de polluer suffira à ralentir le réchauffement du climat.

–          D’autre part, les institutions financières mettent en place des mécanismes de titrisation d’actifs ayant pour support les biens naturels, au risque de voir se développer de nouvelles bulles. Ainsi, fleurissent partout des projets de compensation monétaire des dégâts occasionnés aux milieux naturels, à la biodiversité ou à la qualité des sols et de l’eau, qui prennent la forme d’obligations dites vertes, elles-mêmes pouvant s’intégrer dans des portefeuilles financiers circulant à toute vitesse sur les marchés.

Dans ce contexte où le risque de réchauffement du climat est transformé en objet potentiel de spéculation, comment concevoir une régulation alternative fondée sur la protection d’un bien collectif public mondial comme le climat ? Le climat est un bien collectif parce que nul ne doit être exclu de ses bénéfices et aucun être humain ne peut être mis en concurrence avec un autre ; et il est public parce qu’il doit être régulé par des structures politiques nationales et internationales et non par des communautés particulières. Au moins trois directions devraient être empruntées :

–          La fixation d’un prix pour le carbone brûlé et les émissions de gaz à effet de serre non évitées est indispensable mais elle ne suffit pas. D’une part, ce prix doit politiquement s’orienter rapidement vers 100 euros la tonne de carbone (ce qui est déjà le cas en Suède). D’autre part, la hausse de la fiscalité écologique doit s’accompagner d’une refonte de la fiscalité dans son ensemble, dans un sens progressif.

–          Cette refonte de la fiscalité sera véritablement sociale et démocratique si, dans le même temps, sont engagés une transformation des systèmes énergétiques vers les renouvelables, l’abandon progressif du nucléaire et la baisse du recours aux fossiles, un programme d’isolation thermique de tous les bâtiments et logements, une priorité donnée aux transports collectifs et une relocalisation des activités, notamment dans le domaine agricole et alimentaire.

–          Ces transformations nécessitent des investissements de reconversion et de transformation massifs pour pouvoir diviser par au moins 4 les émissions de gaz à effet de serre des pays riches d’ici 2050 et par au moins 2 dans le monde. D’où l’importance de retrouver la maîtrise de la politique monétaire, afin que les banques centrales garantissent tous les emprunts publics qui joueront un rôle majeur pour financer ces investissements, et afin qu’elles puissent si nécessaire participer directement à ce financement.

 

L’enjeu principal de la régulation climatique est de construire un nouveau mode de développement humain éloigné de la logique de l’accumulation infinie, qui soit donc soutenable à très long terme. S’il fallait une preuve que le capitalisme vert est impossible, Volkswagen vient de la donner. Le capitalisme n’est pas plus compatible avec l’écologie que le pouvoir de la finance avec la démocratie, la mise sous tutelle de la Grèce par ses créanciers l’a montré. Raison de plus pour que la lutte contre le réchauffement du climat soit une affaire de citoyens.

En attaché, l'annonce de notre conférence qui se tenait à Paris le 22 octobre 2015.