D’autres politiques économiques sont possibles

Adhérer

Quel rôle pour les banques centrales?

Dans le cadre des économies développées, un acteur est spécialement outillé pour s'opposer aux marchés financiers et à leurs estimations : les banques centrales. Elles sont supposées intervenir pour aider des institutions qui, bien que solvables, se trouvent mises en difficulté du fait des défaillances des marchés. C'est ce qu'on nomme la doctrine du "prêteur en dernier ressort". Cette doctrine reconnaît aux banques centrales, au moment des crises, un pouvoir d'évaluation autonome. Alors que le marché juge telle institution financière insolvable et refuse de lui prêter, la banque centrale la soutient au nom d'une évaluation contraire.
Aujourd'hui, cette même situation se retrouve pour nombre de pays de la zone euro. Une grande majorité d'analystes considèrent que les taux d'intérêt exigés pour la dette publique d'un pays comme l'Italie, pour prendre un exemple parmi d'autres, reflètent une incompréhension profonde de la situation de ce pays. L'accroissement de ses taux d'intérêt serait plus l'effet d'une peur généralisée que le résultat d'une analyse rationnelle. Dans ces conditions, la Banque centrale européenne (BCE) a le devoir d'intervenir. Si elle ne le fait pas, il faut craindre que, confronté à des taux excessifs, ce pays finisse par faire réellement défaut. Quelle ironie !
Sur la base de cette analyse, il est demandé avec insistance à la BCE d'acheter de la dette publique afin de faire baisser les taux d'intérêt. Se refuser à intervenir, comme le veut l'Allemagne, fait courir à l'euro de grands dangers car cela a pour conséquence immédiate de soumettre nos politiques macroéconomiques aux erreurs d'évaluation des marchés financiers, en particulier à leur propension à la contagion irraisonnée.
Il faudrait alors craindre une diffusion des politiques de rigueur conduisant à un remake de ce que l'Europe a connu dans les années 1930 : des politiques déflationnistes qui déstabilisent en profondeur les sociétés européennes sans produire de croissance. Comment, dans ces conditions, comprendre la position de l'Allemagne, qui rejette avec la dernière vigueur cette politique d'intervention ?
Pour justifier son refus, l'Allemagne fait valoir que la monétisation de la dette publique ferait courir un danger inflationniste à l'euro. Cet argument n'est guère sérieux. Nous ne sommes nullement à la veille d'une hyperinflation. Comme l'exprime bien l'économiste Willem Buiter : "Vous pouvez vous noyer dans l'eau mais ce n'est pas une raison pour refuser un verre d'eau lorsque vous avez soif."
Un autre argument justifie le recours aux marchés par le fait que seuls ceux-ci auraient la puissance de contraindre les pays déficitaires à s'adapter. Même si la preuve n'en est pas faite, cet argument traduit la vérité de la situation, qui est de nature politique et sociale : la défiance des uns à l'égard des autres, sans arbitre reconnu. L'indépendance de la monnaie à l'égard des gouvernements n'a pas d'autres origines : l'absence d'une souveraineté européenne. Mais peut-il exister une vraie monnaie sans souveraineté ? C'est tout l'enjeu de la crise.